mercredi 20 juillet 2011

Lettre à Grand Père.

  Grand Père Jules, papa de ma maman, c'est tout un roman que je pourrai te consacrer tant tu fus un personnage, ton métier est, à lui seul, une explication, boucher, charcutier, agriculteur! Ce n'est pas un métier, c'est un titre!
   Breton pure souche, tu avais cette rigueur apparente qui dissimulait un coeur en or massif, j'ai hérité de toi ce sens de la dérision et de la grimace clownesque qui t'étaient propres. Tu savais faire rire et adorais te donner en spectacle malgré cette pudeur bretonne qui jamais ne te quittait.
   Avec Mamie Louise, vous formiez un couple incroyable, vous vous êtes aimés jusqu'au bout, avec la discrétion bretonne cela ne sautait pas aux yeux de tous, mais toutes ces petites attentions que vous aviez l'un pour l'autre n'ont pas échappé à la sagacité de vos petits enfants et nous savions l'amour qui vous unissait.
   Tu nous emmenais partout lors de ces admirables vacances que nous passions à Inguiniel, de la tournée dans les campagnes environnantes où tu étais connu comme le loup blanc, tu arrachais des sourires même aux plus vieux et aux plus tristes, tu étais un lien social à toi tout seul, nous mangions quantité de charcuterie et passions notre temps à rire de bon coeur face à ton grand coeur et à ton si jovial sourire.
   Mais nous préférions de loin ta casquette d'agriculteur, lorsque nous courrions dans les champs pendant que tu nourrissais les bêtes, escaladant le tracteur comme une montagne russe, riant lorsque tu nous faisais toucher le berger électrique qui nous envoyait des décharges, "vérifie qu'il y a du courant" nous disais tu, et nous prenions ce fil à pleine main, convaincus que le courant était coupé, sacré farceur de Grand Père! La période des foins était ma préférée, lorsqu'avec tes amis agriculteurs, vous vous regroupiez pour aller de ferme en ferme. J'avais le droit de conduire le tracteur dans le champ alors que vous entassiez les bottes de foin sur la remorque, tout fier, du haut de mes six-sept ans, d'avoir été admis comme un travailleur à part entière. Avec le coup de cidre râpeux qui accompagnait la grande tartine de pain de trois livres surchargée d'un pâté de campagne fait maison, quels moments de bonheur pur ai je connu là, c'est avec toi, Grand Père, que j'ai appris le respect de l'humain.
   Et puis, privilège suprême, j'eus le droit de venir avec toi dans l'atelier où tu fabriquais ton excellente charcuterie, j'apportais l'aide d'un petit garçon mais tu m'y as fais grandir et c'est au sein de ce petit local que tu m'as donné l'envie de vivre avec les yeux ouverts. La curiosité n'est pas un vilain défaut me disais tu, au contraire, regarde et tu apprendras, aujourd'hui encore, Grand Père, ce conseil me sert et c'est grâce à toi que je ne me suis jamais ennuyé, quelque soit mon emploi j'y puisais ce qu'il y avait à y puiser. Je suis devenu curieux dans toutes les acceptations du terme, un curieux personnage curieux de tout, mais n'est ce pas ainsi qu'il eut fallu te définir, ô mon Grand Père regretté?
   Voilà, Grand Père, je sais que cette lettre est trop courte et qu'il eut été plus approprié de t'écrire un livre, mais mon talent se limite à ces textes courts et percutants, alors accepte ces quelques mots comme l'hommage que je te rends, comme la promesse que jamais, moi vivant, tu ne seras oublié, ô Grand Père.
                                    Avec tout mon amour, ton petit fils Alain.

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