mardi 31 juillet 2018

Un conte de faits.

   Le bilan d'une vie se doit d'être affiché pour acquérir sa valeur, ne pas rester lettre morte et apporter des éclairages sur les zones d'ombre. Il s'agit d'une vie à raconter, sans racontars, je ne dois compter que sur ma mémoire, même si elle est moins fiable que celle des autres protagonistes de ma vie,  c'est moi qui conte!
   Les premiers souvenirs sont diffus, la caserne de gendarmerie Ganeval à Strasbourg, l'école primaire, "Sainte Aurélie", mme Le Moal, melle Brunner, mes copains, Nicolas, Fanfan, "ma" Toutoune. Tout ça partagé avec mes deux frères, surtout le grand.
   Puis vint le déménagement dans la grande banlieue de Strasbourg, plus en campagne, plus d'espaces et de libertés! Mais ce n'était que le début, quelques années plus tard, c'était le Grand départ pour la Bretagne, j'allais avoir douze ans.
   Exit la gendarmerie, bonjour l'horticulture qui offrit l'avantage de nous plaire à mon grand frère et moi, ce sont mes parents qui ont choisi, c'est nous qui sommes tombés dedans!
   Paysagiste ne sera que la première de la longue liste des diverses professions que j'ai eu l'opportunité de visiter, voire de pratiquer pour certaines d'entre elles! Mais le premier métier que je peux revendiquer comme tel est vendeur de plantes sur les marchés, nous étions devenus de vrais professionnels, le frangin et moi.
   Puis, vers dix-neuf ans, mon cher géniteur m'ayant prestement invité à ne pas passer mes vacances scolaires sous son toit, ni même à ses frais, j'eus la chance de me rendre compte que je n'étais pas fait pour le métier de serveur. Ce n'est qu'en septembre, à la rentrée, que je pris conscience de n'être pas fait pour être fils non plus, un heureux concours de circonstances me permit d'achever une scolarité vaine.
   Ensuite ce fut mon plus bel emploi, vendeur de pommes et arboriculteur, il fallut le service militaire pour me le faire perdre. A mon retour, je m'essayais à la profession de commercial mais je ne voulais pas devenir gros et ne penser qu'à l'argent, alors j'essayais de me mettre à mon compte, comme paysagiste, mais je ne sais définitivement pas compter!
   C'est dans cette période, où il me fallait rembourser pas mal de dettes, que je visitais divers métiers, maçon, électricien, déménageur, vendeur en magasins de bricolage, en jardineries, ouvrier d'usines diverses toujours en contrat à durée déterminée dont je refusais souvent le renouvellement, par goût de la variété!
   Puis, une certaine stabilité étant requise pour l'éducation des enfants, je choisissais le métier le pire de tous ceux croisés, rémunérateur certes, mais éreintant physiquement, l'étanchéité des toitures. C'est pourtant la profession qui a occupé le plus de place en durée, dix-sept années.
   C'est elle qui a fini de pourrir ma santé, les autres ayant déjà bien préparé le terrain, j'ai essayé de me recycler par deux fois, bien que diplômé le poste de grutier n'est pas accessible à un dos dans l'état du mien et le poste de veilleur de nuit m'est interdit par l'épilepsie, il ne me reste plus que la préretraite!
   Mais là, l'histoire tiendrait du conte de fée...
 
 

Un compte de fait?

   J'ai réussi à trouver un côté pratique à la maladie qui m'affecte, elle me contraint à faire le point sur ce que j'ai fait et sur ce que je croyais avoir fait. Tout compte fait, si ce ne fut pas un conte de fée, il y a beaucoup de faits qui comptent, enfin je voulais le penser.
   Mais il est des attitudes qui ne peuvent tromper, je semble être le seul à vouloir oublier les erreurs passées, je ne dois attendre aucun soutien de la part de mes proches. Je suis responsable de cette situation, à n'en pas douter, il y a une telle unanimité que je suis contraint d'accepter ces silences, qui confinent pourtant au dédain.
   Je me croyais malade, suffisamment pour attirer quelque attention, mais cela ne semble jamais assez, ça résiste à tout un Alain, semblent-ils penser! Même une hypersensibilité officialisée par la médecine les laisse de marbre!
   Bon, je dois bien admettre que la colère provoquée me permet d'avancer plus vite dans mon éducation à ma nouvelle vie de pré-retraité, puisque c'est l'avenir qui se dessine de plus en plus.
   Je vais pouvoir entreprendre la "longue marche", celle qui ne mène nulle part en particulier donc partout où il y a un chemin.
   Le but étant de n'avoir aucun but.
   De plus, n'ayant plus à donner de nouvelles, je pourrais éluder certaines étapes qui jusque là me semblaient aussi contraignantes qu'utiles, les visites de famille! C'est ce détail qui me fait prendre conscience que j'ai préparé le terrain, pendant une vingtaine d'années je n'ai pas eu de contacts véritables, je me suis cru évincé alors que je n'ai fait que m'exclure, tout seul.
   Voilà, maintenant je vais me préparer à partir et le faire sans avoir de comptes à rendre, c'est ce qui compte....tout compte fait!
 

dimanche 29 juillet 2018

Ne pas rester en place.

   Ce texte n'est pas une suite, il n'aura peut-être aucun rapport avec le précédent, je n'en sais encore rien, je suis dans l'une de ces périodes où mes doigts semblent penser par eux-même, ils seront donc responsables des mots qui vont suivre.
   Je devrais être en train de faire sursauter des foules et pleurer des enfants, mais je sors d'hospitalisation et ils m'ont dit: "pas d'exercices physiques ce week-end", le tout est de  savoir si l'artillerie médiévale est un exercice physique....Bon, admettons!
   Je suis contraint à l'inactivité, il me faut apprendre à vivre comme si j'étais malade, puisque mon affection est très discrète mais d'une redoutable efficacité pour se rappeler à mon souvenir de temps en temps.
   Seulement voilà, si ma tête et mes doigts sont capables d'indépendance, il se trouve que mon corps obéit plus à ses ressentis qu'à ceux de mon cerveau. Je devrais parler de ce problème à ma neurologue, mes doigts et mon corps peuvent-ils déclencher l'épilepsie? Si ça n'ouvre pas de pistes, ça nous permettra au moins d'en rire!
   Bref, il me faut bouger, je n'ai pas le choix, même de saines lectures ne sauraient m'immobiliser plus d'une heure, alors je pars déambuler sans autre but que la dépense physique. De toute façon, les autres dépenses se font souvent à mon insu et mon porte-monnaie maigrit plus vite que moi!
   Or donc, disais-je, avant que d'être interrompu par la fuite des capitaux, je dois bouger physiquement de façon quasi permanente dès qu'éveillé. Une fois utilisés les habituels subterfuges de ménage et autres nettoyages corporels, il faut trouver un but, n'étant point en ma demeure je ne puis bricoler comme je l'entends.
   Alors je chausse mes sandales et je pars en vadrouille sans autre but qu'une marche curieuse, de potentielles rencontres ou une heureuse solitude. Jusque là, je n'avais pas encore pris conscience de l'arrivée des touristes, qui semblent être les mêmes d'une année sur l'autre au vu des habitudes qu'ils affichent déjà.
   Ils n'ont pu atteindre la plage où ils se trouvent que parce que c'est la plus proche de leurs lieux de villégiature. Ils n'y sont venus que parce qu'ils ne savent pas que faire d'autre et qu'il faut bien se donner une raison d'être venus "à la côte"!
   Tout à coup, passant devant ces hardes de corps étalés, je me rends compte que c'est l'immobilisme qui est l'activité la plus pratiquée! C'est comme si j'étais au milieu de mes amis et de leurs échevelées parties d'échecs, la seule différence est que nous sommes en extérieur.
   Nous sommes peu nombreux à ne pas être vautrés sur le sable, surtout des enfants d'ailleurs, c'est ce qui me rassure, ce sont les vivants qui ne tiennent pas en place!
 

lundi 23 juillet 2018

Rester à sa place.

   Depuis que l'humain est un être, il ne doit sa survie qu'à son sens de l'évolution, ayant compris qu'il vivait sur une planète toujours en mouvement.
   Nous sommes ainsi passés de l'hominidé à l'homme moderne, en fait la différence n'est pas si grande, quelques poils en moins, un cerveau soi-disant plus gros et le développement du verbe.
   Il est un fond de préhistoire dont nous ne pouvons nous défaire, l'instinct reste en veille et c'est le refus de cet état de fait qui nous rend si inadaptés à la survie dans ce monde en plein bouleversement géologique sur lequel nous n'avons aucun pouvoir.
   La Terre Mère nous remet à notre place, de vains microbes tout juste un peu bruyants!
   Tous ces scientifiques ne travaillent plus que sur des probabilités mathématiques qui ne sont que de la masturbation intellectuelle puisqu'elles n'ont aucune réalité matérielle.
   Le problème est que nous bâtissons notre avenir sur ces mêmes probabilités, nous sommes devenus immatériels, des humains se sont chargés d'éteindre la race humaine sans que nous en ayons eu la moindre conscience.
   Ils pensent pouvoir être plus forts que la nature et agissent en conséquence, elle doit se plier à nos caprices ou laisser la place semblent penser les "dits" grands penseurs, qui, comme le laisse apparaître leur nom, pensent beaucoup et de beaucoup à trop, il y a peu.
   Il est donc naturel que la planète Mère fasse ce que les peuples ne savent plus faire, se révolter!
   Un bon observateur peut pourtant aisément déceler les signes avant-coureurs des évolutions qu'entraîne la rotation de notre planète, des révolutions ont lieu sous nos pieds que nous ne pourrons que subir si elles le décident!
   En fait, nous apprenons à nager quand il conviendrait d'apprendre à naviguer, nous bâtissons des villes côtières modernes et excessivement coûteuses, alors que ce sont les renforcements de digues  qui assureront un avenir durable. Ce n'est pas grave, on augmentera les impôts pour le faire dans l'urgence!
   Finalement, la seule véritable action des gouvernements est d'augmenter les taxes, voire d'en inventer de nouvelles mais pas pour faire de l'écologie, ce n'est jamais qu'un présentateur de télévision notre ministre, mais pour effacer les dettes de l'état.
   Tout le monde le sait, bien sûr, mais plus personne ne dit rien, c'est ça "rester à sa place"!

jeudi 19 juillet 2018

Je n'ai pas inventé la poudre.

   Contrairement à une idée reçue, je ne suis que l'un des premiers utilisateurs de cette matière, plus grise que noire, mais que l'on nomme poudre noire! C'était vers la fin du quatorzième siècle, il y a donc, euh, je suis nul en mathématiques alors débrouillez-vous. Je ne suis qu'un conteur content de conter, certes pas un compteur comptant les acomptes!
   Je tiens donc à rétablir une certaine vérité , je n'ai pas inventé la poudre, d'ailleurs ceux qui me connaissent personnellement le savaient, avant même que j'utilise mes canons! Ces derniers sont mieux lotis que moi, puisqu'ils ont une lumière et une âme que les chrétiens me refusent!
   Bon, ce n'est pas ce qui m'inquiète le plus, j'ai besoin de "voir pour croire" et là, force est de reconnaître qu'on a pas vu grand-chose! De plus, pour des gens qui semblent entendre la voix de leur dieu, je les trouve très sourds aux justes réclamations de leurs peuples.
   Peut-être est-ce pour cette raison qu'ils déclenchent des guerres, pour que le bruit de mes canons couvrent les cris du peuple, sans doute appellera-t-on ça "enfumer les gens", dans le futur. Peu m'importe, ils me paient grassement pour aller assassiner allègrement d'autres gars comme moi, des mercenaires, alors j'adhère au système! Surtout que nous sommes envahis par ces imbéciles d'Anglais qui n'ont toujours pas compris, là ce ne sont plus des crimes, ce sont des actes de rédemption, même obtus, ils finiront par comprendre!
   Je dois avouer que j'ai pu me laisser aller à une certaine exaltation lorsque j'ai compris la puissance réelle de mes canons, mais je ne fus pas le seul, Charles V a décidé de créer une armée ordonnancée avec une artillerie à la première place. C'est pourtant à ce moment que les guerres sont devenues moins civiles, vu qu'on en tuait plus qu'avant!
  Puis, d'Evolution en évolutions, les guerres ont finalement atteint leurs cibles, les innocents, vous savez ces gens qui, apparemment, se promènent avec une cible sur le dos et qui courent en zigzagant.
   Peu importe, l'important c'est l'évolution des armes, l'humain suivra, il s'est bien adapté à une nature sauvage, ce ne sont pas quelques morceaux de plomb qui vont l'éteindre.
   Sans doute ont-ils raison, l'homme va se transformer, mais il convient de rester méfiants, quand on voit que la nature, seule, a transformé les dinosaures en poulets!

mercredi 18 juillet 2018

Le confusianisme.

    Il m'aura fallu cinq longues années d'études des divers courants de pensée au fil des siècles, passés et à venir. N'omettons pas que je suis né à la fin du quatorzième siècle, période obscure s'il en est, un seul courant de pensée, croire aveuglément au châtiment divin! J'ai eu la chance d'être excommunié par mon activité d'artilleur, ce qui m'a permit d'aller voir ailleurs.
   Ayant effleuré la culture des Chinois, inventeurs de la poudre, j'ai eu l'occasion d'entendre parler d'un certain Confucius, dont l'étude n'était point possible à mon époque. Mais lorsque j'ai pu accéder à son savoir, même les meilleures traductions restaient de l'hébreu pour votre serviteur, d'où la confusion qui fit naître le confusianisme.
   J'allais consulter les seules personnes à détenir un quelconque savoir à l'époque, les moines reclus dans un monastère. Il suffit de poser la question à l'un d'entre eux et ils se la transmettent de moine en moine, jusqu'à ce qu'elle arrive au moine haut qui possède tous les savoirs sur les religions impies. C'est la communication par internés, il paraît que ça a de l'avenir, mais il convient de se méfier des buses!?
   Il m'aura fallu revoir mon jugement aussi souvent que je changeais de traducteur, surtout avec les gens de savoir laïcs, au moins les moines ne donnaient-ils qu'une seule réponse même peu crédible, cela leur donnait un certain crédit.
   Mais, que ce soit par les uns ou les autres, il régnait une certaine confusion d'où il ressortit qu'un certain Marco Polo avait écrit avec plus de précisions sur la Chine. Je consultais donc ses notes pour comprendre que je ne comprenais pas l'italien, ce qui augmenta encore ma confusion et, là, la lumière a jailli.
   Du coup, j'ai été aveuglé, ce qui a semé le trouble dans mon esprit déjà perturbé, égaré par cet imbroglio d'avis divergents émis par des gens divers. Il me fallait trouver le repaire du repère dû si je ne voulais pas m'égarer, surtout que je n'ai pas de voiture!
   Bref, je poursuis ma quête en menant l'enquête, mais l'enchevêtrement de pistes me laisse penser que j'ai mis les pieds dans une pétaudière, heureusement que je suis un artilleur ce sera moins confus!

dimanche 15 juillet 2018

Tais-toi...Erasme!

   A force de lire des philosophes, c'était prévisible, j'ai sombré définitivement dans la folie. Heureusement, il semblerait que ce ne soit que cette douce Folie dont le Sieur Erasme fit si bien l'éloge, il y a quelque temps déjà!
   Je ne sais ce que m'a le plus inspiré cette lecture, la description de notre société actuelle par un auteur du début du seizième siècle qui pense, de surcroît, ne décrire et décrier que sa société, a de quoi rendre inquiet.
   Ce qui rend optimiste est que la Folie est restée la même, nous n'en avons changé que les apparences. Il est quelques passages qu'il me faut restituer sous la forme de citations, mais il ne s'agit que de rendre hommage à la folie d'un philosophe si observateur. Voici donc de courts extraits de "L'éloge de la Folie" d'Erasme.
   "Les femmes pourraient-elles m'en vouloir de leur attribuer la folie, à moi qui suis femme et la Folie elle-même? Assurément non. A y regarder de près, c'est ce don de folie qui leur permet d'être à beaucoup d'égards plus heureuses que les hommes.", "Peu d'êtres reçoivent la beauté, présent de Vénus, moins encore l'éloquence, don de Mercure, Hercule n'accorde pas la richesse à beaucoup de monde, ni Jupiter homérique le sceptre au premier venu... Neptune noie plus de monde qu'il n'en sauve... , Châtiments, Fiévres, n'en parlons pas; ce ne sont pas des êtres divins, mais des bourreaux.", "Une race très folle et très sordide est celle des Marchands, puisqu'ils exercent un métier fort bas et par des moyens forts déshonnêtes. Ils mentent à qui mieux mieux, se parjurent, volent, fraudent, trompent et n'en prétendent pas moins à la considération, grâce aux anneaux d'or qui encerclent leurs doigts. Ils ont, au reste, l'admiration des moinillons adulateurs, qui les appellent en public "vénérables", probablement pour s'assurer leur part dans l'argent mal acquis.".
   Voilà, ce n'est pas totalement d'actualité mais avouez qu'il y a de belles ressemblances avec ce qui fonde notre société actuelle, quatre cents ans plus tard, quelle évolution!
   Ce qui me gêne un peu dans cette lecture, c'est que certains de mes textes pourraient être taxé de plagiat des écrits du sieur Erasme. Que voulez-vous, même déguisé en rebelle, nous ne faisons que de la reproduction mais c'est peut-être tout simplement ça, l'évolution!

jeudi 12 juillet 2018

Incompréhensible incompris.

   Il est de forts utiles pieds de nez que seule la vie peut provoquer. Je me suis assez plaint des termes trop techniques des médecins pour être compris, jusqu'à ce que je comprenne que je souffrais du même défaut!
   A ne lire que de vieux philosophes il fallait s'y attendre, il est un moment où l'on se questionne sur soi-même, là j'ai eu l'aide, bien involontaire, des gens de mon entourage, voire de certains membres de ma famille.
   Il se trouve que je me suis mis à m'exprimer avec un vocabulaire riche et varié, les enfants que j'accompagnais m'en avaient fait la remarque, mais comme cela les amusait, je ne m'étais pas posé plus de questions.
   Le problème vient, pour beaucoup, des vocables qu'il m'arrive d'utiliser, il est de nombreuses personnes pour ne pas dire leur incompréhension d'un mot et qui, par conséquent, ne font que semblant d'écouter. En fait, je laisse mes interlocuteurs sans voix par la richesse de mon verbe, ce quel que soit le milieu social.
    Il y a une réalité qui s'impose, quel que soit le lieu nous n'avons plus le droit de nous exprimer librement. Ainsi les personnes que je fréquente en ce moment trouvent stériles tous les débats d'idée, ils semblent ne jamais avoir eu le moindre espoir d'évoluer. Cela reste un enrichissement, je sais ce que je refuse dans le vieillissement, l'immobilisme qu'il peut entraîner!
   Alors je passe mes journées à essayer de rencontrer d'autres personnes, mais pour engager une conversation durable, il convient de s'adapter à son interlocuteur. Je passe beaucoup de mon temps dans un quartier de Saint-Malo réputé pour l'aisance financière de ses résidents, il est surtout, à mes yeux, le plus beau quartier de la ville. Surtout, les sentiers y sont propices aux rencontres, les promeneurs sont plus enclins à la conversation, tant que l'on ne laisse pas apparaître d'origines douteuses.
   J'en ai fait l'expérience une seule fois, mais elle a été très parlante, par la distance qui s'est créée très rapidement entre un couple et moi. La conversation était plaisante, portant sur la beauté du site essentiellement, jusqu'à ce que la dame me demande ma profession. Je ne sais pourquoi, alors qu'habituellement je mets en avant mon métier de paysagiste, là j'ai avoué avoir été un ouvrier du bâtiment.
   Ils ont dû comprendre maçon, vu leur rapidité à bâtir un mur entre eux et moi! Je compris, par leurs propos, cependant qu'ils me fuyaient, que la gêne venait pour beaucoup de mon expression orale inadaptée à ma condition d'ouvrier.
   Heureusement , je ne suis nullement affecté par ces comportements, au contraire je m'amuse des situations ambiguës que provoque la richesse de notre langue, cela ne me semble pas si incompréhensible!

mardi 10 juillet 2018

Un petit bout de cuir.

   Il m'est arrivé ce qui n'aurait dû être qu'un incident, seulement ma situation actuelle a augmenté son incidence, déclenchant une réaction de désespoir si profond qu'il me faut l'évacuer par les mots si je ne veux pas le laisser aggraver mes maux.
   Ce matin, je me suis rendu compte que j'avais perdu mon portefeuille, j'eus beau retourner l'appartement, il me fallut admettre l'inadmissible. Cette réalité à peine admise, une autre s'est fait jour, ce n'est pas qu'un simple objet que j'ai perdu mais bel et bien ma vie.
   Tous mes papiers, cartes, ordonnances médicales ont disparu avec le portefeuille, les problèmes de santé m'ont réduit à rien, voilà que je ne suis plus personne!
   C'est l'ampleur désarroi qui s'est emparé de moi qui me gène, je n'ai pu empêcher les pleurs de jaillir tels une source, la petite goutte d'eau qui ne devait pas tomber a chu!
   Là, le petit bout de cuir un peu usé, même pas beau en plus, s'est avéré être le seul objet auquel j'attache une vraie valeur puisqu'il contient ma vie. C'est le constat de cet état de fait, plus que l'état de fait qui m'a tant désespéré, un simple portefeuille est le garant de mon existence!
    En pleine étude des philosophes Grecs, je me sentais proche des épicuriens, je ne suis qu'un et puis plus rien! C'est une belle leçon pour quelqu'un qui aime apprendre.
   Bon, si je peux terminer ce texte avec un peu de légèreté, c'est que les autorités compétentes en ont fait preuve, l'objet du délit a été aimablement déposé par le citoyen qui l'avait retrouvé! Mais l'histoire ne s'arrête pas tout à fait, en récupérant mon bien j'y retrouvais, outre mes précieux papiers, tout l'argent qu'il contenait.
   Du coup j'ai fait un don aux bonnes oeuvres de la police nationale, je n'en reviens toujours pas d'ailleurs, c'est fou ce que la joie peut provoquer, non?

lundi 9 juillet 2018

L'âne qui portait les braies.

   C'était un matin qui ressemblait à tous les autres, les yeux à peine ouverts, je m'attendais à voir arriver Marcel avec mon bol d'avoine.
   Quelle ne fut pas ma surprise de voir entrer une cohorte de gens costumés, bizarrement je comprenais leurs paroles.
   Ainsi, le premier s'avança vers moi plein de déférence, avec une écharpe tricolore dans les mains, il me la passa sur les épaules en le faisant l'accolade et me disant :"monsieur le président, toutes mes félicitations!".
   "Que se passe-t-il?" m'entendis-je dire, plus surpris de pouvoir articuler que de comprendre les mots des humains, au fait, je suis un âne et je m'appelle Albert, d'où mon étonnement.
   Mais pas question de s'en poser, déjà ses comparses m'entraînaient vers une camionnette aménagée spécialement pour moi, très confortable avec une double ration d'avoine! Mais les paroles de l'huissier m'ouvraient les portes de la compréhension en me coupant l'appétit.
   "Plusieurs présidents successifs ayant prouvé leur incapacité à gouverner avec sagesse, nous avons décidé de procéder par un tirage au sort plutôt que des élections, c'est de toute façon aussi hasardeux, et il se trouve que c'est votre nom qui a été tiré au sort." me dit-il avec un sourire en coin.
   "Je suis peut-être un âne, mais ne me pensez pas bête!" m'entendis-je répondre, toujours aussi surpris d'avoir la parole, "un âne brait mais ne saurait porter des braies, surtout présidentielles!".
   "Vous ne serez pas le premier, mais cela ne se voit plus dès que l'écharpe est ceinte, déjà vous avez l'usage de la parole et nombre de vos prédécesseurs ont prouvé qu'il n'était nul besoin d'être intelligent!", cet huissier avait réponse à tout!
   Puis nous arrivâmes devant une étable comme je n'en avais jamais vu, gigantesque, étalant une richesse...indécente! Comme j'en faisais la remarque à l'huissier, celui-ci me répondit que c'était normal pour un pays riche.
   "Ce n'est pas ce qu'a l'air de penser mon maître Marcel, l'avoine est difficile à gagner et ne se transforme jamais en blé, dit-il de plus en plus souvent!".
   "Peu importe, tant que l'état peut paraître, le peuple peut bien mourir de ne point se nourrir!" me répondit le goujat.
   Aussi, je le plantais là sur une dernière ruade verbale, c'est alors que Marcel me réveilla en hurlant des borborygmes incompréhensibles. Ouf, ce n'était qu'un cauchemar!

samedi 7 juillet 2018

Esprit critique.

   Depuis que mon incapacité au travail a été officialisée, comme toute personne désoeuvrée, je me laisse aller à lire les philosophes. Je ne puis renier ma propre philosophie, c'est donc au hasard de mes déambulations littéraires que je rencontre les divers auteurs, toutes époques confondues, sinon ce ne serait pas drôle!
   Je passe mon temps à découvrir le tout et son contraire au gré des auteurs visités, les écrits des uns contredisant systématiquement ceux des autres, mais il est un point où tous tombent d'accord, ils ont raison, toujours raison!
   Là n'est pas le sujet, je viens de lire "L'éloge de la folie" du sieur Erasme qui m'a orienté vers d'autres auteurs à l'esprit critique mais teinté d'humour, Coluche ou Pierre Desproges de l'antiquité pour simplifier.
   Il est une évidence qui se fait jour, le droit de critiquer a toujours été essentiel au maintien d'une certaine retenue des dirigeants, mais il est de plus en plus difficile de le faire tant nos libertés de parole ont été muselées, que ce soit par des lois ou le "politiquement correct".
   Nous n'avons plus le droit de crier haut et fort : "monsieur Emmanuel Macron, vous n'êtes que le président de la France, pas le roi des cons, de grâce adoptez un comportement plus digne de vos fonctions!" sans risquer le procès pour diffamation. On commence toujours par porter atteinte à la liberté de parole, il n'y a qu'à regarder les élections en Russie ou en Turquie, pour démarrer une dictature fut-elle celle de la bien-pensance!
   Aussi, il ne reste plus qu'à tenter, du haut de mes modestes moyens, l'écriture d'une satire afin de pouvoir mieux éreinter ceux qui le méritent, sans qu'ils ne puissent s'en plaindre au risque de dévoiler eux-même leur identité!
   Je veux développer cet esprit critique qui tant m'éreinte par les colères qu'il déclenche, afin de le mieux utiliser pour qu'enfin il porte ses fruits, la confiance et la tolérance qui mènent à la joie de vivre.
   Alors, à bientôt, sous une forme ou une autre!
 

mardi 3 juillet 2018

Apparaître à part.

   Mon dos, par ses douloureuses contributions, m'a contraint à des promenades en des lieux aménagés à cet effet, donc sur le front de mer avec tous ses désagréments. La chaleur s'étant associée à la surabondance de touristes, je refluais vers les rues adjacentes qui sont beaucoup moins fréquentées mais, surtout, qui sont "mieux" fréquentées.
   Je veux parler de cette catégorie de riches qui ne sont pas assez riches pour habiter sur le front de mer, alors ils vivent dans le dos des plus nantis qu'eux. Avouons que ce n'est déjà pas un grand signe d'intelligence, ils arrivent pourtant à en rajouter par des exhibitions de paraître.
   Il y a la grosse voiture que l'on se donne une raison de tripoter, du coup de chiffon sur les jantes à la remise en place imaginaire du rétroviseur, il convient de montrer à qui elle appartient! Les vêtements sont à l'avenant, il convient que la marque soit parfaitement visible, la différence avec les gosses de banlieues ne se fait que sur la taille des lettres mais je trouve ça aussi pitoyable, plus encore de la part de gens qui ne font pas pitié!
   D'ailleurs, au vu des regards auxquels j'ai eu droit, ils ne semblent pas même savoir ce qu'est la pitié ou alors par l'expression "quelle pitié!". Le plus simple est de les saluer, leur éducation les contraint à répondre, elle leur permet de rester encore de vrais êtres humains ou d'y ressembler en tout cas.
   Mais ces façons de vous détailler des pieds à la tête avec une moue réprobatrice, les yeux exprimant tout le dédain que leurs bouches n'ont pas le droit de dire, suffisent. Il était cependant écrit que cette promenade contrainte en des lieux dont seule l'originalité de l'architecture a un charme, serait bénéfique.
   Depuis quelques semaines il est une question que je me pose, j'ai, comme tous les étés, pris très vite mon teint hâlé et cela provoque toujours les mêmes réactions. La plupart des personnes que je croise me sourient aimablement et je me suis toujours réjoui de cet état de fait, sauf cette année.
   Il m'est difficile de rester souriant quand j'entends les habituelles remarques sur ma bonne mine alors que je vis très mal ma maladie. Cela m'a amené à me poser une question qui ne m'avait jamais effleuré, si ce n'est lors de mon adolescence.
   Comment les gens que je croise me perçoivent-ils? Un grand escogriffe tout maigre, bronzé, en sandales et bermuda, déambulant le nez en l'air, les yeux en recherche de points de vue sortant de l'ordinaire d'une ville côtière.
   Et c'est justement lors de ma balade qu'une réponse s'est fait jour. Un père et sa fille d'une vingtaine d'années sortaient d'un lieu levant tout doute quand à leur niveau de richesse, lorsqu'elle m'aperçut, la charmante demoiselle n'a pu s'empêcher de lâcher un "qu'est-ce c'est que ça!" des plus explicatifs.
   La sincérité avec laquelle elle s'est exprimée me permet au moins de lever un peu le doute, je ne suis cependant pas certain d'en apprécier la valeur!