lundi 9 juillet 2018

L'âne qui portait les braies.

   C'était un matin qui ressemblait à tous les autres, les yeux à peine ouverts, je m'attendais à voir arriver Marcel avec mon bol d'avoine.
   Quelle ne fut pas ma surprise de voir entrer une cohorte de gens costumés, bizarrement je comprenais leurs paroles.
   Ainsi, le premier s'avança vers moi plein de déférence, avec une écharpe tricolore dans les mains, il me la passa sur les épaules en le faisant l'accolade et me disant :"monsieur le président, toutes mes félicitations!".
   "Que se passe-t-il?" m'entendis-je dire, plus surpris de pouvoir articuler que de comprendre les mots des humains, au fait, je suis un âne et je m'appelle Albert, d'où mon étonnement.
   Mais pas question de s'en poser, déjà ses comparses m'entraînaient vers une camionnette aménagée spécialement pour moi, très confortable avec une double ration d'avoine! Mais les paroles de l'huissier m'ouvraient les portes de la compréhension en me coupant l'appétit.
   "Plusieurs présidents successifs ayant prouvé leur incapacité à gouverner avec sagesse, nous avons décidé de procéder par un tirage au sort plutôt que des élections, c'est de toute façon aussi hasardeux, et il se trouve que c'est votre nom qui a été tiré au sort." me dit-il avec un sourire en coin.
   "Je suis peut-être un âne, mais ne me pensez pas bête!" m'entendis-je répondre, toujours aussi surpris d'avoir la parole, "un âne brait mais ne saurait porter des braies, surtout présidentielles!".
   "Vous ne serez pas le premier, mais cela ne se voit plus dès que l'écharpe est ceinte, déjà vous avez l'usage de la parole et nombre de vos prédécesseurs ont prouvé qu'il n'était nul besoin d'être intelligent!", cet huissier avait réponse à tout!
   Puis nous arrivâmes devant une étable comme je n'en avais jamais vu, gigantesque, étalant une richesse...indécente! Comme j'en faisais la remarque à l'huissier, celui-ci me répondit que c'était normal pour un pays riche.
   "Ce n'est pas ce qu'a l'air de penser mon maître Marcel, l'avoine est difficile à gagner et ne se transforme jamais en blé, dit-il de plus en plus souvent!".
   "Peu importe, tant que l'état peut paraître, le peuple peut bien mourir de ne point se nourrir!" me répondit le goujat.
   Aussi, je le plantais là sur une dernière ruade verbale, c'est alors que Marcel me réveilla en hurlant des borborygmes incompréhensibles. Ouf, ce n'était qu'un cauchemar!

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