dimanche 9 février 2014

L'odeur de la poudre.

   J'aime ce moment délicieux, juste après avoir tiré au canon, où se répand l'odeur de la poudre, au milieu d'un nuage de fumée au doux fumet de soufre. C'est au petit matin que les narines seront le plus sensibles à cette affriolante senteur, quand le soleil commence tout juste à darder ses premiers rayons. L'aubade du canon est, ne vous en déplaise,  un véritable hommage à la poésie romantique.
   L'aube, ce passage de la journée si propice au calme, lorsque la nature ne fait que s'étirer après une nuit de sommeil, où les âmes belliqueuses des faiseurs de paix sont encore ensommeillées. Le vent n'est encore qu'un frémissement, aucun bruit parasite ne se fait entendre, c'est là, en cette heure magnifique, que le chant du canon va prendre toute sa valeur, déchirant le silence de son chant langoureux, faisant vibrer l'air de son puissant souffle, la fumée restant en un nuage lourd, puis se répandant par volutes dans l'air léger du petit matin. Quel bonheur, quelle sérénité apaisante engourdissent, alors, jusqu'au cœur de l'artilleur le plus endurcit.
   Il est des âmes chagrines pour se plaindre du bruit d'un coup de canon, cela rappelle la guerre, disent certains, alors même qu'ils n'en ont connu aucune, si ce n'est par l'entremise des informations télévisées! L'esprit poétique de l'artilleur n'y verra qu'un rappel de ces magnifiques feux d'artifices, en noir et blanc bien évidemment, mais l'effet de souffle et cette suave odeur de la poudre compensent largement le manque de chatoiements irisés d'un artifice qui, faut il le rappeler, était utilisé comme arme par ses inventeurs Chinois. Les mauvaises langues en sont pour leurs frais et devront bien arrêter de chinoiser!
   Les armes à poudre ayant aussi une âme, nul ne peut nier qu'elles aient aussi une grande sensibilité, de là à admettre que les artilleurs sont des gens pleins de délicatesse et d'attentions énamourées envers leurs obscurs objet du désir, il n'y a qu'un pas que je franchirais allègrement! Des armes avec lesquelles on tire un coup, ramènent forcément à l'amour, mal exprimé, sans doute, mais de l'amour malgré tout.
   Il conviendrait donc de "rendre à César, ce qui est à César" et de reconnaître aux artilleurs le droit de tirer quand ils l'entendent et ce au nom de l'égalité. Nous étions excommuniés par l'église, au même titre que les homosexuels, mais les pouvoirs publics ont autorisé ces derniers à se marier quand ils prétendent nous empêcher de simplement tirer un coup! Il y a là une injustice qui confine au racisme, peut-être nous faudra-t-il aller plaider notre cause devant la cour européenne des droits de l'homme!
   Voilà, c'est tout pour cette fois, mais méfiez-vous, je pourrais bien laisser exploser ma colère si les autorités et les oreilles sensibles continuent de nous mettre des bâtons dans les roues de nos chers canons. L'odeur de la poudre n'est pas prête de retomber!