mercredi 30 juin 2021

Un homme bien sans biens.

    Ayant repris des activités comme bénévole depuis quelques mois, dans les jardins partagés, je renais de mes cendres. Cela fait plus de trois années que je me suis éteint, pensant que je n'avais plus d'espoir de redevenir actif, mais il aura suffit d'une étincelle pour remettre le feu aux poudres. Je repars pour de nouvelles aventures, elles seront simplement plus calmes...encore que. 

   N'ayant plus la capacité de me servir de mon corps comme un outil, il me faut développer de nouvelles qualités. Mon cerveau prend enfin les commandes, mes actes sont plus réfléchis, voire mesurés. Ma réactivité instinctive s'en trouve améliorée et si je ne suis plus le moteur de ma vie, j'en suis devenu le conducteur. Je me retrouve en aidant ceux qui en ont besoin, mais c'est pour mon propre bien-être, car aider les autres c'est d'abord s'aider soi-même, aimer les autres c'est d'abord s'aimer soi-même.

   C'est dans ce nouveau cadre de vie que je déploie mes ailes, même fatiguées elles me portent toujours avec cet entrain lié à la joie de vivre enfin retrouvée. Cest là, au cours d'activités partagées que m'a été fait un magnifique compliment: " tu es un homme bien Alain ". J'en suis ému jusqu'aux larmes car jamais cela ne m'avait été dit avec une telle franchise, approuvé par les quelques personnes présentes. Tout à coup le regard change, le sourire s'épanouit dans cette sincérité qui fait tout son charme et la joie de vivre m'habite à nouveau. Ce qui n'aurait pu être qu'une simple anecdote s'est transformé en texte lorsque le compliment m'a été fait une seconde fois sous une forme encore plus surprenante. Lors d'une autre activité bénévole, une personne m'a certifié que j'étais un homme bien qui semait la joie et l'envie à tout vent. 

   Se pourrait-il qu'étant devenu conducteur je transforme les autres en moteurs, devenant le moteur de leurs envies ? Les visages que je croise se fendent toujours d'un sourire me donnant plus encore l'envie de les transformer en rires. Ma vie s'en trouve plus belle et m'entendre dire que j'ai la maîtrise de mes mots, que je suis calme et serein ne me paraît plus insultant, bien au contraire. 

   Voilà, une nouvelle vie se profile, je vais faire le bien des autres avec eux, pas contre eux. Il ne me reste plus qu'à convaincre celle qui me hait que je ne suis pas un mauvais homme et que, sans être un homme de biens, je suis un homme bien.

   Ce texte est pour toi Chloë, ma fille chérie, puisses tu me pardonner, je t'aime.

lundi 21 juin 2021

Argentophobie.

    Ce n'est pas une peur irraisonnée d'Asia Argento dont je veux parler ici, mais bel et bien de la phobie de l'argent. Il m'a fallu inventer le titre de ce texte car notre société nous refuse le droit de ne point aimer l'argent jusque dans les définitions des dictionnaires. Le pire est que je crains que les lignes qui vont suivre ne leur donnent raison ! Déjà il ne s'agit pas de l'argent au sens du métal créé par la nature mais de la monnaie d'échange créée par l'humain seulement, là aussi il n'est point de vocable répertorié pour définir une peur ou une haine de la monnaie. Tant qu'à inventer un mot, autant choisir le plus simple, monnaiephobie me paraissant douteux. 

   Peu importe puisque là n'est pas le sujet bien qu'il s'agisse de la phobie de la monnaie que je devrais donc nommer argent, j'espère que vous suivez bien car, moi, je commence à m'y perdre. Or donc, il se trouve qu'en cette période étrange que nous venons de traverser, ayant du temps pour l'introspection et, surtout, les dépenses vaines, j'ai découvert que l'argent disparaissait de mon compte bancaire, ainsi que de mes poches d'ailleurs, comme par enchantement. Je rentre toujours les mains vides sauf quelques achats alimentaires, parfois choisis je l'avoue, mais point de futilités. Pourtant mon porte-monnaie n'est plus empli que d'air à peine lesté de quelques pièces oranges, mes poches ne contiennent que les sempiternels mouchoirs en papier...rectangles, fichtre, me moucherais-je dans mes billets inconsciemment ? Tout se passe comme si l'argent me fuyait, dès que je pense avoir réussi à économiser un évènement imprévu vient réduire à néant mes quelques efforts. 

   Tout à coup une vérité semble se faire jour, et si je me trompais totalement, peut-être n'est-ce finalement que l'argent qui ne m'aime pas, il ferait une crise d'alainphobie que je ne serais pas surpris! Bon, si le fait semble établi, il n'en reste pas moins une question cruciale, comment posséder un argent que je n'aime pas plus qu'il ne m'aime? L'argent est-il à ce point contre nature pour que dans ma folie écologiste je le rejette si totalement? J'ai dû, bien inconsciemment, prendre conscience que la véritable nuisance à la vie sous toutes ses formes, venait de cette monétisation totale et absolue de tout ce qui existe sur cette terre et au-delà avec la conquête spatiale. Sans argent il ne semble plus possible de vivre pour l'espèce humaine, la preuve en est donnée par la force avec laquelle certains profiteurs se plaignent déjà de la baisse future de leurs profits, au détriment de la vie mais peu leur importe puisqu'ils sont déjà morts. 

   Comme notre Terre mère semble devoir se réchauffer, quelles que soient nos pitoyables tentatives d'enrayer le phénomène, les tenants du pouvoir de l'argent vont tenter de nous faire croire à un nouveau paradis possible, sur Mars! C'est sans doute le signe ultime de l'évolution de notre société, les religions imposaient d'être pur pour accéder au paradis de leurs hypothétiques dieux, maintenant il faut être riche pour accéder au paradis des hommes, cela deviendra de plus en plus inaccessible. Il ne restera alors aux personnes les plus démunies que l'espoir de décrocher la Lune...ou de vivre enfin en accord avec notre seule mère, la Terre. Il ne reste plus qu'à espérer que l'argentophobie est contagieuse, sinon je vous fiche mon (dernier) billet que nous sommes mal partis!!!

   

mercredi 16 juin 2021

Un don.

    Au-delà de la qualité un don est un avantage certain, dans la définition en tout cas, car il faut cultiver cet atout pour qu'il en reste un. Il s'agit de savoir apprendre à maîtriser ce don, à l'accepter pour ce qu'il est, un allié, sinon il deviendra une entrave voire pire.

   Avoir un don à soi oblige à un don de soi, même donné un don a un prix. Mais un don est aussi un cadeau, une offrande faite au connu comme à l'inconnu, il devient alors un acte gratuit. C'est bien là le paradoxe du don, donné il se paye, payé il est gratuit, aussi étrange et inconnu que son origine tout simplement.

   Quelle que soit la forme qu'il prenne, un don n'en reste pas moins à valoriser, à mettre en exergue, sinon pourquoi serait-il donné ! Malheureusement un don ne se dévoile pas toujours aisément, il est parfois ignoré jusqu'au refus. Il n'est plus alors qu'une simple qualité, pas des moindres certes, mais elle n'est déjà plus un don. La différence peut paraître ténue mais elle est essentielle, la qualité sert principalement qu'à son serviteur, le don ne sert que les autres, égoïsme ou altruisme, deux contraires que tout semble opposer, et pourtant.

   Pourtant c'est bien la période d'égoïsme qui permet d'évoluer vers l'altruisme et ce don avec les charmes qu'il dévoilera au cours de son développement. C'est là que le verbe prend toute sa valeur car celui qui ne peut aider par le don de soi, pourra faire un don qui permettra à celui qui a un don de le mettre en avant, le donateur devient bienfaiteur et verse donc aussi dans l'altruisme.

   Quand au don, ce cadeau de la nature fait à certains, cette faculté incroyable ne peut se satisfaire de commerce car sa gratuité en est le prix. Pour récompense il faut apprendre à se contenter de regards de gratitudes, de sourires attendris et de quelques rires d'enfants, mais existe-t-il de meilleur salaire ?

lundi 7 juin 2021

Ca gratte.

    Je ne sais pas si c'est lié aux diverses suppressions de nos droits à se déplacer librement, mais depuis notre récente libération je croise de plus en plus d'adeptes des jeux à gratter lors de mes pérégrinations. N'étant pas un adepte de l'enrichissement autre que celui de ma curiosité, je dois avouer qu'il m'a fallu étudier de plus près ces étranges personnages, qui sont souvent des personnes âgées, par ailleurs.

   Habitant un quartier défavorisé, si ça existe encore, j'ai pensé que cet acharnement n'était lié qu'au désir d'enfin déménager de ce lieu oublié et de plus en plus replié sur lui-même. Bref, je m'égare, oubliant les héros de ce texte, qui en auront profité pour gratter de plus belle, soyez en certains. Or donc, ce n'est pas pour eux-mêmes qu'ils jouent, mais pour offrir à leur descendance un peu de cette dignité qui leur a été refusée. Mon esprit, aussi naïf que curieux, pensa alors que dans les quartiers dits riches de la ville nul ne grattait puisqu'ils ont déjà plus qu'il n'en faut. Que nenni, ils sont tout aussi appâtés que les précédents mais ils n'usent pas du même mode opératoire, ils font leur affaire dans un lieu public, certes, mais ils ont la décence de se retourner afin que nul ne voit le geste précipité qui dévoilera, sans nul doute, leurs gains... ou, le plus souvent, leurs mines déconfites.

   En tous les lieux, en tous les cas, ils sont plus visibles et paraissent plus nombreux qu'avant, lorsqu'ils se cachaient, voire se terraient, afin de cacher leur potentiel gros lot, que nul autre ne sache surtout. Puis sont arrivées ces périodes d'isolement forcé pendant lesquelles ils se sont sentis contraints à l'enfermement, s'ils gagnaient personne n'aurait pu se réjouir avec eux. Alors ils optent pour la gloire publique, tant qu'à gagner autant le faire au milieu d'une foule. Il y aura bien un ou deux "vidéastes" pour immortaliser l'instant. Ils veulent que leur potentiel bonheur soit vu et su, mais ce n'est que pour montrer aux autres qu'il existe encore des gens heureux, pas pour partager l'argent. De toute façon le "monde d'après" n'est pas prêt, de trop grands changements lui seraient nuisibles.... Le refus du partage devient alors un acte de charité qui, comme chacun le sait commence par soi-même, dans le bon ordonnancement...du monde d'avant.

jeudi 3 juin 2021

sans handicap, s'il vous plaît.

    Cela fait plus de trois ans que je lutte pour accepter enfin mes handicaps, il faut dire que ça ne se voit pas du premier coup d'oeil car je suis le seul à savoir que j'ai diminué de moitié, les autres me trouvent normal, si les handicaps ne sont pas apparents ils sont reniés et c'est mon cas. Il pourrait être rassurant d'enfin rentrer dans le rang mais il semble que je n'y sois pas totalement prêt, il me reste un dernier écueil à vaincre, mon cerveau doit se mettre au diapason de mon corps mais comment les accorder alors que je n'ai pas l'oreille musicale !

   Je suis redevenu actif dans le milieu associatif puisque mon état de santé ne me permet plus d'activités professionnelles régulières. Là je peux régler mon temps de travail sur les fatigues de mon corps, enfin je devrais pouvoir si ce foutu cerveau cessait d'entrer en ébullition dès qu'il est fait appel à des bonnes volontés. Depuis trois mois le temps s'est remis à couler, ponctué de fatigues et douleurs mais heureux de vivre à nouveau et des rencontres et nouvelles amitiés que je noue dans mes journées de jardinage partagé. J'y ai trouvé un rythme adapté et tout semblait aller pour le mieux, jusqu'à ce qu'apparaisse mon pire ennemi, l'ennui. C'est là que la vie a décidé de provoquer les événements qui ont inspiré l'écriture de ce texte. 

   Au cours d'une fête de quartier à laquelle participait de nombreuses associations malouines dont les organisateurs de la "fête des corsaires" de Saint-Malo. Une soudaine odeur de poudre m'a transporté en d'autres temps, en d'autres lieux réveillant l'artilleur qui s'était fait si discret pendant trois ans. La folie ne m'est plus permise, mais rien ne m'empêche de refaire le fou ! 

   S'il ne s'était trouvée que cette rencontre l'oeuvre n'eut pas été achevée, ce n'est que le lendemain que le feu a été remis aux poudres, lors d'une fête du vélo à laquelle je ne participait pas comme cycliste, rassurez-vous, mais comme crieur public. Il m'a fallu déclamer un texte de ma voix la plus puissante et le déclic a eu lieu, redevenu celui qui fait ce que peu d'autres peuvent faire, je suis redevenu moi-même.

   La clef était donc là, ce n'est plus par les activités physiques que je pourrais m'exprimer mais bel et bien par mon art du beau verbe et ma façon de le déclamer. Ma bouche sera mon nouveau canon, ma voix en sera l'explosion et mes paroles en seront le souffle, j'espère simplement que je saurais prendre le recul nécessaire !!!