samedi 23 décembre 2017

La lettre à mon papa.

   J'ai longtemps reculé ce moment, le craignant autant que je le désirais, sans doute ne voulais je pas qu'il ne soit qu'une lettre vengeresse, il fallait que mon pardon soit entier et sincère. Certes, j'aurai attendu de tomber malade pour y arriver, mais c'est ce malheureux hasard qui m'a permis d'ouvrir enfin les yeux.
   Ce pardon ne peut, cependant, inclure les coups, même s'ils ne sont que l'expression maladroite de ton affection et de l'attention que tu nous a toujours portées, papa, il est des douleurs que je ne puis omettre.
   L'obéissance était une qualité essentielle à la préservation de nos épidermes fessiers, tu avais toujours raison, quelles que soient les raisons. Mais ces méthodes laissent trop de traces, physiques ou morales, pour être acceptables, l'autorité vraie ne peut s'obtenir par la violence.
   Je n'attends, ou plutôt, nous n'attendons, mes frères et moi que ta demande pour te pardonner ces violences, tu le sais bien.
   Mais je ne veux voir que mon papa, celui qui nous a accompagnés dans nos activités sportives, qui a été attentif à notre bonne éducation. Tes farces et plaisanteries nous ont appris à rire de nos propres défauts ou soucis, à pratiquer la résilience jusqu'à ce qu'elle confine à l'oubli, je ne suis toujours pas sûr que ce soit une qualité, d'ailleurs!
   Tu as fait de nous des hommes solides comme des rocs, que même les épreuves de la vie n'ont pas fissurés. Le problème, c'est que pour pénétrer un roc, il faut un marteau et un burin!
   Ainsi, la période troublée que je traverse m'a ouvert les yeux sur une terrible réalité. La facilité avec laquelle je m'adapte aux situations de crise est aussi celle qui m'empêche de m'installer durablement.
   Ne pas réussir est devenu le seul acte de résistance à ton autorité, je te dois ce que je suis, un homme qui ne laisse que des souvenirs derrière lui.
   Ma seule réussite vient de mes trois enfants, de la bonne éducation que je leur ai inculqué et de la non-violence à laquelle j'ai su me contraindre. C'est grâce à toi, bien que ce ne soit qu'une forme de "résistance passive", j'ai toujours su canaliser ma violence physique. Merci à toi, même si c'est à cause de toi, plus que grâce à toi, papa!
   Les défauts de ton système d'éducation ont fait les qualités du mien, mais ce sont mes défauts qui m'ont ouvert les yeux sur tes qualités!
   Alors voila, mon papa, ces quelques lignes sauront, je l'espère, te convaincre de l'amour que je te portes puisque tu es mon papa.
   Je t'aime, ton fils,
                                 Alain
 

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