mardi 16 août 2011

J'aime les vieux.

   Dans le magasin où je travaille actuellement, il y a beaucoup d'anciens agriculteurs parmi la clientèle. C'est une ancienne coopérative agricole transformée en jardinerie, ils y ont donc leurs habitudes depuis de nombreuses années. Ils arrivent en "terrain conquis", me toisant un peu avant de m'asséner le rituel :"t'es nouveau toi? D'où tu viens?" Puis, découvrant que je suis de Dinan, ils se calment, je suis un pays (prononcer paillisse!) comme ils disent. Ensuite, ils me testent en posant diverses questions dont ils connaissent les réponses, il faut simplement être vrai avec ces gens là et respecter leur âge, ils ne sont pas plus exigeants que cela!
   Ce que j'aime avec ces clients réguliers, c'est leur sens de la reconnaissance que ce soit pour un service rendu ou par physionomie, certains se rappellent m'avoir croisé au magasin de Dinan, ils ont une vraie mémoire et c'est rare dans notre société, ce qui fait de moi un privilégié, il m'est donc naturel de rester aimable avec ces anciens. Ils sont pétris d'humour et passent leur temps à raconter des plaisanteries, riant de bon coeur lorsque j'ai une réplique qui fait mouche. Mais le plus drôle est d'entrer dans leur jeu quand ils essaient de me faire prendre des vessies pour des lanternes, ils partent alors dans des délires et plus c'est gros plus ils rient et le rire d'un vieux est communicatif comme celui d'un enfant, ils ont la même sincérité.
   De plus, ils sont sensibles à l'épanouissement que je vis en ces moments de grande magie, mon fils retrouvé pendant deux jours d'abord, puis une nouvelle que m'a annoncé ma Cathy, mon irrésistible Amoureuse. Après avoir lu le message dont elle m'a gratifié ce matin, mon coeur a explosé de joie, déclenchant un feu d'artifice dans mon cerveau et éclairant mes yeux d'un nouvel éclat, ils brillent comme deux rayons de soleil, à tel point que les gens qui me parlent prennent des couleurs, ou des coups de soleil s'ils ont la peau sensible!
   Tous les clients me sourient dans ces cas là, aucun ne résiste à mon si expressif regard, mais ce sont encore mes chers vieux qui sont les plus sensibles, ils ressentent le bonheur quand ils le croisent et ne se privent pas de me le dire, c'est ce qui est bon avec eux, ils n'ont plus de complexes et se permettent de dire ce qu'ils pensent vraiment :" tu t'en fous, t'es heureux toi!" me disent ils souvent, ben oui, mes amis, je suis un homme heureux, le plus heureux des hommes puisque j'Aime et que je suis Aimé!
   Ces personnes âgées, qui peuvent sembler frustres de prime abord, ont en fait la sensibilité à fleur de peau, ils sont des privilégiés, leurs vies sont derrières eux et ils n'ont plus qu'à se laisser porter. Lorsqu'ils sont un peu exigeants, je compose avec eux, cédant facilement à leurs petits caprices passagers, ils savent gagner mon respect car ils sont, eux mêmes, respectueux et savent dire merci.
   Mais celles qui me touchent le plus sont ces petites mamies devenues veuves, elles sont seules ou en groupe, mais toujours aimables et souriantes, quêtant le bon renseignement afin de continuer à s'occuper du potager de leurs défunts maris, comme si c'était lui qui l'entretenait encore. Elles font d'un champ de légumes une déclaration d'amour posthume et je trouve cela touchant et très respectable. Je les choie plus que les autres clients, tant parce qu'elles en ont besoin que par plaisir. C'est si agréable de les voir sourire à mes reparties, à mes gentilles remarques sur leur naïveté, elles sont d'une génération où le mari s'occupait des travaux extérieurs et elles de l'intérieur. Chacun avait son domaine et la disparition de l'un des deux pourrait être un drame, mais ces gens ont une vision si positive de la vie qu'il n'est pas question de se laisser aller, c'est à croire que l'expression :"le spectacle doit continuer" n'a été créée que pour ces femmes à la vie chevillée au corps. Ces admirables personnes savent apprécier le malheur qui ne permet, finalement, que de mettre les moments de bonheur en avant.
   Ainsi, cette conversation de ce matin avec l'une de ces gentilles mamies, où elle me dit :"oh! Des fois, il doit se retourner dans sa tombe tellement je fais des bêtises, mais comme je dis dans ces cas là, t'avais qu'à rester si tu voulais que ce soit bien fait", avant d'éclater de rire avec quelques larmes discrètes dans les yeux.
   Voilà, c'est pour des moments comme celui ci que j'aime les vieux et que je suis heureux d'être leur oreille attentive, après ça plus rien ne parait grave et l'on se dit que la vie n'est qu'une succession de petits bonheurs qui, si l'on sait les saisir, amènent au grand bonheur, celui d'être en vie, tout simplement en vie.
   Allez, éteignez votre ordinateur et allez demander à votre vieille voisine si elle a besoin d'un coup de main, c'est à vous que vous rendrez service.

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