J'aime dormir!

   Certes, je ne suis pas un grand dormeur, six à sept heures par nuit me suffisent à me reconstituer, je fais partie de ces gens qui ont l'impression d'être mort quand ils dorment et que l'on gaspille du temps à beaucoup dormir. Pourquoi un tel titre? Simplement parce que la magnifique rue si typiquement médiévale où j'ai emménagé à Dinan, la rue de la cordonnerie pour ceux qui connaissent! Surnommée rue de la soif, c'est la rue de tous les abus, de boissons, de musiques fortes ( et pas de la grande musique vous vous en doutez, juste des boum boum tzing tzing!!) et ce jusqu'à quatre heures du matin, pratiquement tous les soirs! Comme le charme essentiel des rues médiévales est d'être encaissées entre des maisons à colombage, imaginez la caisse de résonance. Certains soirs j'ai l'impression de partager mon lit avec une bande de veaux enivrés qui beuglent à tue tête des onomatopées incompréhensibles! Sans compter la hauteur des débats entre des gens dont l'ivresse est proportionnelle au degré de bêtise :" beuarh! Vins t'batt t'es qu'un pd, t'as pas d'couilles, tu m'connais pas moi j'pourrai t'arracher la tête avec les dents! (c'est vous dire si certains d'entre eux ont une grande gueule!)", rajoutez à cela les inénarrables chansons à boire vociférées plus qu'elles ne sont hurlées et vous aurez un panel intéressant de ce que j'endure chaque soir! Et il ne faut pas même songer à s'en plaindre, le lieu est devenu une sorte de zone de non droit pour les gens normaux, même la police n'intervient plus, il faut faire avec ou déménager, n'en ayant pas les moyens je fais avec (grand merci à monsieur quiès d'avoir inventé les boules du même nom, mais elles ne suffisent pas toujours!).
  J'ai réussi à en rire cependant par deux fois, la première c'était un mec très alcoolisé qui tambourinait à la porte de la demeure commune à plusieurs appartements où je réside, j'ouvrais la fenêtre pour lui demander de se calmer, cela ne suffisant pas je le menaçais d'une casserole remplie d'eau lui faisant comprendre que vu mon état d'exaspération après le contenu, je risquais fort de lui balancer le contenant, heureusement pour moi, cela fit rire les témoins de la scène et l'animal arrêta là son grabuge. La deuxième fois que j'ai pu me réjouir, c'était lors d'une de ces soirées chaudes dont nous ne profitons plus que jusqu'en mai, laisser la fenêtre ouverte devient un impératif. Dans cette rue il faut vraiment ne pas supporter la chaleur pour avoir une telle audace, croyez moi sur parole! J'essayais d'écouter ma musique, pour ce faire j'avais mis le volume très haut, j'écoutais des sonates pour piano de Beethoven et Mozart (A t on idée d'aimer la belle musique en un tel lieu!), c'est alors que je surpris une conversation juste sous ma fenêtre, certains demandant aux autres de se taire et d'écouter. Tiens me dis je, il y a donc des mélomanes parmi cette faune, je m'approchais de la fenêtre pour les entendre se dire :" putain, comment il joue bien du piano le mec là haut!" Imaginez la force de cet instant de détente, de jeunes soifards en extase devant ce qu'ils prenaient pour un récital improvisé par votre serviteur!! Ceux qui me connaissent doivent en rire autant que j'ai pu le faire. Je vous accorde que ce ne sont là que de maigres compensations aux désagréments que je subis, mais ils en sont d'autant plus jubilatoires!
  Par contre, il y a un phénomène surprenant dans cette ville, les soirs où il pleut, personne ne sort! Je ferai donc partie des rares personnes à se réjouir du pourrissement de l'été, après le piano, je vais me mettre à chanter pour aggraver la pluviométrie du lieu!
  Voilà, j'ai fait assez de bruit autour de cette affaire, vous pouvez éteindre votre ordinateur et aller vous saouler, mais pas dans ma rue!