mardi 19 juin 2018

La vieillesse n'attend pas le nombre des années.

   Je vis actuellement en colocation avec un homme qui est considéré comme bipolaire et sensé être suivi par la médecine. En fait, il rencontre brièvement un psychiatre à qui il lui suffit de dire qu'il va mieux pour ne rien changer.
   Du coup, rien ne change, il passe de son lit à son fauteuil et de son fauteuil au lit, avec des passages réguliers par la cuisine. Pour se donner le sentiment d'être encore en vie, il a trouvé un autre malade, schizophrène quand à lui, qui vient jouer aux échecs tous les jours.
   De prime abord, l'idée semble bonne, le problème est qu'ils ne le font que dans le but de se croire toujours vivants malgré leur immobilisme. En fait, ils ressemblent à une peinture de maître représentant des joueurs d'échec, ils ont la pose, mais je crains que ce ne soit tout. Leurs parties sont prévisibles à force de se ressembler, ils réfléchissent si longtemps avant de jouer qu'ils en oublient ce qu'il fallait jouer!
   Si je me permets ce texte, c'est que je vis là et que je ne peux pas passer mes après-midi à déambuler juste pour ne pas les voir, j'ai donc besoin d'un exutoire!
   C'est l'histoire d'hommes ayant atteint la cinquantaine et diversement marqués par le temps, malades chacun à sa manière, mais le même but, ne plus rien faire en attendant que quelque chose se passe. Comme les affections sont psychologiques, ils sont assommés par des médications qui permettent d'assurer la tranquillité de tous, mais qui les maintiennent dans une léthargie chronique.
   De fait, à certains moments leurs délais de réflexion sont si longs qu'ils frisent le coma, on croit qu'ils pensent, en fait ils dorment! Mais ils sont sûrs que la durée d'une partie en fait la qualité, alors ils évitent les coups qui pourraient abréger le jeu.
   Ils paraissent penser que le nom des échecs définit la finalité du jeu, il faut perdre ou, au moins, ne pas gagner! Parfois, des pièces s'offrent sur plusieurs coups, mais non, s'ils se décident à la prendre ce n'est dû qu'au hasard et ils se félicitent mutuellement du très beau coup!
   Heureusement qu'il leur arrive de réussir un échec et mat, fréquemment dû au hasard, ils ne le découvrent que lorsque celui qui est menacé se rend compte qu'il est dans l'impossibilité de jouer! Là encore, ils vont discuter pendant dix minutes pour être certains que c'est bien la fin, le gagnant s'excusant presque du malheureux hasard!
   Je pensais pouvoir dire qu'ils se comportent déjà comme des vieux, mais les vieux sont toujours vivants, eux!
 

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