mercredi 4 mars 2020

La lettre d'excuse à Chloë.

   J'ai trois enfants magnifiques, cela va de soi, et j'ai toujours cru les aimer de façon égale et équitable pour tant il en est une qui considère que mon amour pour elle était moins exprimé ou plus mal que pour sa soeur ou son frère.
   Alors, mon ange, je prends ma plus belle plume pour tenter de te convaincre qu'il est impossible à un père de ne pas aimer un de ses enfants, ou alors il n'est pas père et ce n'est pas mon cas. Il est vrai que ta lettre vient plus tard que celles de Louise et Tristan, mais tu ne m'as pas facilité la tâche par ton dédain affiché toutes ces années, c'est pourtant cette révolte permanente qui me fait t'aimer plus encore.
   Tu es ma révoltée et, que tu le veuilles ou non, c'est ce trait de caractère qui nous rend plus proches, malheureusement tu ne peux accepter cet état de fait, ressembler à l'homme que tu refuses comme père est très difficile à accepter. Je suis bien placé pour le savoir puisque je suis, moi aussi le deuxième de trois enfants, celui du milieu qui se sent désaimé puisque situé entre l'ainée qui est la préférée et le petit dernier qui est le "chouchou", il est difficile de trouver sa place. Ton cas est pourtant pire que le mien, l'ainée n'étant que celle de ton père et le troisième le garçon tant désiré par ce même père faisant de toi le miracle d'une mère condamnée à n'avoir pas d'enfants par la médecine, mais pas pour ton père. Le cul entre deux chaises dès le début !!!
   Cette lettre que je t'écris, ma fille chérie, doit t'apporter les éclairages nécessaires à une meilleure compréhension de la situation dans laquelle nous nous trouvons et retrouvons, j'ai honni mon père, pour ne pas dire que je l'ai même voué aux gémonies, pendant cinquante trois ans et autant d'années perdues. Je ne puis donc t'en vouloir de m'en vouloir, je veux juste que tu comprennes que je n'ai retrouvé une forme d'équilibre que par le pardon entier et total de ce que je pensais devoir lui reprocher. Ce n'est qu'ainsi que j'ai pu prendre conscience que la violence physique qu'il nous a fait subir n'est rien face aux violences psychologiques que mon père a subi durant son enfance, loin de l'excuser cela autorise certaines erreurs dans la volonté d'être un père s'occupant bien de ses enfants. Seulement un bon père ne peut avoir de réalité qu'aux yeux de ses enfants, il est donc impossible à un père de devenir idéal par la diversité des caractères, ce qui plaît à l'un des enfants est ce qui provoque le rejet des autres et inversement. Comme dit dans un précédent texte, la perfection ne peut être de ce monde et c'est ce qui le rend si parfait. D'ailleurs l'enfant idéal ne peut pas plus exister, nous trouverons toujours des défauts dans la cuirasse alors même que ce sont ces défauts qui font de nous de parfaits imparfaits.
   Toi, ma Chloé, mon enfant chérie, ta perfection est dans cette intelligence instinctive que nous partageons, mon imperfection a été de ne pas le reconnaître plus tôt et d'avoir commis les mêmes erreurs avec toi que celles commises par mon père à mon égard. J'ai moi même du mal à me le pardonner, comment pourrais-je t'en vouloir de ne point le faire, c'est pourtant le seule façon de t'assurer un avenir plus serein que celui que je me suis imposé.
   Car le pardon total et sincère offre l'avantage d'être bénéfique pour les deux partis, c'est en pardonnant à mon père que j'ai pris conscience de ma part de responsabilités dans cette histoire. Je suis le seul responsable de cet état de fait, rien ne peut empêcher la réussite de celui qui la désire vraiment et se laisser croire que ce n'est que pour ne pas apporter de satisfaction à un père qui on ne peut en apporter, par principe. Les psychologues appellent cela le refus de la réussite, je préfère penser que ce n'est qu'une forme de lâcheté, une façon de ne pas se regarder vraiment et de reprocher à un autre ses propres erreurs.
   Je t'écris cette lettre dans l'espoir que tu comprennes qu'en me punissant de ton dédain, c'est d'abord à toi que tu nuis et , en "bon" père, c'est à moi de te sauver de cette haine que tu croies me porter quand ce n'est que le désamour de toi même.
   Ô mon enfant, ma fille, je te prie d'accepter cette lettre pour ce qu'elle est, l'aveu pur et simple de mon impuissance face à cette situation, mon incompétence à être le père que tu voulais, mais le cri de l'amour que je t'ai toujours porté, même maladroit cela reste de l'amour pur que seuls des parents peuvent éprouver pour leurs enfants.
   Voilà Chloé, il n'est ici question que d'un cri, que dis-je, d'un hurlement d'amour d'un père à son enfant chérie, forcément chérie. Je t'aime un point c'est tout.
                                                               

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