jeudi 27 février 2020

Perfectionimbus.

   La perfection ne peut exister à mes yeux, elle est impossible puisque nous ne pouvons plaire à tout le monde cela semble évident, et pourtant, chacun à sa façon, nous continuons notre impossible quête. Certains prétendent même l'avoir trouvée, voire atteinte, cette fabuleuse perfection cela reste un simple fait de leur imagination mais l'important n'est-il pas d'y croire vraiment?
   J'ai un étrange sentiment à ce sujet en cette période de transition que je vis actuellement, j'ai toujours aimé le changement mais celui-ci prends son temps pour aboutir, et c'est peu de le dire! Seulement, maintenant que je maîtrise enfin ces problèmes de santé, plus ou moins en tout cas, intervient cette fameuse perfection. La logique voudrait que je ne puisse plus l'atteindre, puisque je ne l'ai pas même effleurée quand j'étais encore vaillant. Seulement, s'il est une qualité qui m'est restée c'est bien ma passion pour l'illogisme, il est donc très logique que j'atteigne enfin à la perfection, ou que je le croies en tout cas.
   Il n'aura fallu que deux rencontres pour que s'opère la magie, la première fut celle d'un professeur de français en vacances, bien sûr, et qui est aussi passionné que moi par l'escalade des rochers. Il m'a été d'autant plus facile d'engager la conversation qu'il n'est pas Malouin d'origine, donc pas misanthrope, et nous avons déambulé et discuté tout un après-midi dans les parties escarpées de la côte. Le premier sujet était lié à l'écologie du fait de la proximité du barrage de la Rance, selon mon interlocuteur il est la vraie réponse écologique au besoin, sans cesse grandissant, d'électricité, l'envasement du fleuve n'étant qu'un problème technique. Heureusement, je n'ai pas eu à répondre à ses affirmations puisque je ne m'y connais pas assez et, qu'opportunément, un nid de frelons asiatiques nous apparu, accroché à la roche deux mètres au-dessus de la ligne de marée. J'escaladais les rochers pour m'en approcher et le prendre en photo au grand dam de mon nouvel ami qui était effrayé par la découverte. Je lui expliquais alors qu'à cette époque de l'année nous avions peu de chances d'en apercevoir. Alors il enchaînait sur les risques que je prenais en montant aussi haut dans les rochers, lorsque je lui répliquai que les roches volcaniques présentaient suffisamment d'aspérités pour se sécuriser, il en fut tout abasourdi. Comme la plupart des personnes que j'ai pu rencontrer dans ces lieux, il pensait que ce n'était que du granit, nous fîmes alors une revue des divers minéraux présents, il crû alors que j'en étais un spécialiste, alors que je ne suis qu'intéressé par le sujet.
   Puis notre conversation dévia sur la violence en général, je lui expliquais que j'étais devenu totalement non-violent après un coup de poing donné à un homme et les conséquences de ce geste qui aurait pu être fatal. Mais face à mon argument qui veut que s'il n'y avait pas d'armées nous éviterions les guerres, il ne fut absolument pas d'accord et affirma avec conviction que les armées empêchaient les guerres alors, pour couper court, je lui disais que mon fils voulait s'engager et que j'en acceptais complètement l'idée.
   Ensuite, revenant sur des chemins balisés, nous passions à côté de ces canons sacrifiés par les autorités malouines dont j'ai déjà parlé, en fait ils les ont utilisés pour accrocher les chaînes qui délimitent certaines zones de la ville. Devant son incrédulité, je lui prouvais que je disais la vérité en lui montrant que le petit trou près de l'extrémité était la lumière qui permettait de bouter le feu, lui expliquant au passage ma passion immodérée pour l'histoire médiévale et son artillerie en particulier.
   C'est à peu près à ce moment là que la perfection fit son apparition, il était subjugué par le nombre de sujets que je maîtrisais et ne pu s'empêcher de me dire toute son admiration devant la perfection de mes explications. J'en fus très surpris, je n'ai jamais pensé que j'étais un homme de savoir et il m'annonçait que j'étais un homme de savoirs! Sans me rengorger, cela me fit pourtant un bien fou et me fit prendre conscience de la valeur et du nombre de sujets dont je pouvais traiter, moi un intellectuel, cela risque de faire sourire beaucoup de mes lecteurs qui me connaissent!
   Et il y eut une deuxième rencontre très sympathique avec une jeune femme qui a pris contact par instagram avec, ce me semble, l'envie de me séduire ou de simplement me draguer. Mais à force de conversations, j'ai réussi à la convaincre qu'un homme de mon âge et dans mon état de santé ne saurait être autre chose qu'un obsédé sexuel voulant se "taper" une petite jeune et, qu'à l'inverse une aussi jolie jeune femme courtisant un homme bien plus âgé n'est qu'en recherche d'un père qui n'a pas su s'occuper d'elle comme elle l'attendait. Il s'est alors engagé une série de conversations d'une grande honnêteté au cours desquelles ma lanterne a fini par être éclairée, dans le désamour avoué de son père cette charmante personne m'a ouvert les yeux sur le rejet dont je suis victime de la part de ma deuxième fille.
   Elle est l'unique enfant  de ses parents et n'en veut à son défunt père que parce qu'il n'a pas cédé à toutes ses volontés, alors je me suis permis de me servir de ses récriminations pour comprendre, ou essayer de comprendre, le comportement de ma propre enfant. Dans sa recherche de l'homme idéal cette jeune demoiselle ne cherche que l'homme qui sera à ses pieds, prêt à tous les sacrifices pour devenir son idéal à elle et elle seule, sans s'inquiéter de ce que lui pourra penser, une forme d'esclave en quelque sorte. J'ai pu en parler franchement avec elle car, contrairement à ma propre fille, elle a eu le courage d'écouter une autre vérité que la sienne et d'en tirer des conclusions qui lui permettent d'ouvrir les yeux sur sa réalité qui n'est pas la réalité. Je ne suis toujours pas plus psychologue et mes paroles, dans leur franchise, n'ont pas été faites que de compassion, il me semble même lui avoir dit que la recherche d'une "bite reproductrice" ne permettait pas de trouver le père idéal qu'elle recherche en fait. Mais surtout qu'un homme à l'opposé de son père ne ferait pas forcément un bon père, puisque la nature elle même ne nous y autorise pas, tant la mère est prédominante dans l'enfantement, le père idéal n'est qu'un fantasme.
   C'est au fil de nos enrichissantes conversations que cette charmante personne s'est mise à m'idéaliser, arguant que j'étais un père parfait, encore cette fameuse perfection, et qu'elle espérait trouver un homme comme moi pour faire d'elle une femme comblée! Là, je me suis senti obligé de lui expliquer toutes les erreurs que j'avais pu commettre dans ma paternité et les conséquences qu'elles avaient eu, surtout sur ma deuxième enfant. Mais loin de ramener à ma vraie valeur, elle s'est servie de mes propres arguments pour m'idéaliser un peu plus encore, arguant qu'un homme qui savait admettre ses erreurs était forcément parfait!
   C'est, je crois, ce qui me plaît le plus dans nos conversations, quoique je puisse dire la renforce dans le sentiment que je suis la perfection faite homme, tout à l'inverse de ma fille chérie qui utilise chacun de mes arguments pour les retourner contre moi et se renforcer dans sa haine aveugle de son père. D'où le titre de ce texte, finalement la perfection n'est qu'une question de point de vue et le point de vue n'est-il pas une forme de cécité?

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