dimanche 2 février 2020

Je ne m'enfuis pas.

   C'est sans doute ce qu'ont pu croire les personnes qui ont croisé ma route, que je m'enfuyais toujours plus avant alors que je ne sais simplement pas m'arrêter sans finir par m'ennuyer. Il n'est aucun lieu, aucune personne, aucune activité qui puisse me contenir dans l'immobilité, je sais que cela finirait dans l'immobilisme.
   Alors, une fois encore je pars, je quitte, je m'enfuis pour certaines personnes si cela les rassure de le croire, peu importe le verbe, je ne veux que disparaître de mon vivant afin de devenir immortel, la disparition n'est pas une mort, tout au plus un effacement de la mort certifiée.
   Ma vie entière n'a été qu'un effacement, je me suis porté disparu aux yeux de ceux qui m'ont connu de mon propre chef, jusqu'à convaincre mes plus proches de m'effacer au point qu'ils m'oublient déjà. Je ne suis resté en certains lieux que pour rendre service, pour aider beaucoup de personnes à se lancer, à s'installer, à réussir leurs projets, mais je me refuse à accepter la réussite et je suis parti sans attendre la couronne de lauriers ou même un simple merci. Les faits m'ont donné raison puisque aucun des services rendus n'a provoqué de remerciements, tout le monde semble avoir trouvé normal d'avoir pu profiter de mon aide sans contreparties, quelles qu'en soient les formes.
   Alors je vais partir pour ne plus avoir à m'arrêter que par étapes qui m'emmèneront plus loin puisque c'est ailleurs qu'il me faut aller et il est toujours d'autres ailleurs, jusqu'à ce fabuleux bout du chemin. Je reprends ma liberté, égoïstement peut-être mais je pense en avoir gagné le droit. Je ne veux plus aider que moi-même, pour mieux réapprendre à m'aimer et à me respecter dans la sérénité  de la solitude.
   Je vais disparaître en silence par mon silence, ce qui n'est pas compliqué dans ce monde absurde où il n'est qu'à se taire pour être aussitôt effacé, remplacé par le moindre bruit que l'on ose appeler communication. Mais cela ne va que dans un sens, de plus en plus de personnes parlent, de moins en moins de personnes écoutent et plus personne ne semble entendre cette cacophonie. Comme les mots ne portent plus, ce sont les images qui les remplacent, mais même là, les mots qui les accompagnent n'étant pas lus, chacun en invente le sens selon sa vision qui, comme précisé dans le texte précédent en fait une relative vérité qui n'a plus rien à voir avec la vérité.
   Comment  pourrais-je avoir envie de rester dans ce monde où les mots n'ont plus de valeur quand seuls mes mots me donnent de la valeur. Je continuerais cependant d'écrire pour décrire ce que je vivrai dans un futur proche, mes rares lecteurs n'auront d'autres preuves de mes péripéties que les mots. Il faudra faire preuve d'imagination pour en avoir une image, cela donnera à chacun la liberté de voir ce qu'il veut dans mes descriptions, sans la certitude de la vérité des propos.
    C'est ainsi que je pourrai prouver ne pas m'être enfui, mais bel et bien parti pour ne pas même savoir ce qu'en pensent ceux qui ne veulent se nourrir que de preuves physiques de la réalité. La promenade du rêveur solitaire ne sera qu'un texte, il suffira de réapprendre à lire pour la voir et ce n'est pas une image, juste de l'iconoclasme...au sens propre du terme!

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