vendredi 8 mai 2020

Allez comprendre.

   Une vision de la solitude est un bon exercice en ces temps difficiles, il en est beaucoup pour qui ce confinement correspond à isolement, bien que l'on  puisse adorer la foule, on peut aussi aimer ces moments de répit qu'accorde la solitude, allez comprendre. Ainsi, être seul  avec soi-même se posant des questions existentielles, face à la mer qui de pleine va devenir basse, allez comprendre. Face surtout au soleil décroissant qui éclaire la ville de Saint-Malo sous un nouveau jour, les lumières du couchant transformant cette ville maudite en lieu de magie, allez comprendre.
   Nous y voilà, prendre un grand plaisir à être seul quand on aime pas la solitude, allez comprendre, puis, l'heure avançant, le soleil vient s'éteindre sur la ligne d'horizon en s'y fondant, allez comprendre. Alors apparaît un très jeune couple, à cet âge de l'adolescence où l'on n'ose pas encore se toucher, mourant pourtant d'envie de s'étreindre, allez comprendre, tandis que le grand disque jaune n'en finit plus de rougir les flots, les faisant briller de mille feux, ils n'en voient que les reflets dans les yeux de l'être aimé, allez comprendre.
   Puis le soleil disparaît, éteint par la ligne d'horizon mais ses lumières éclairent encore ces écrits, allez comprendre. Je quitte ma niche solitaire rêvant d'avenirs radieux bien que plus proche de mon coucher de soleil, allez comprendre. Les dernières lumières irradiant encore de mes yeux, je rencontre la vie sous la forme d'un jeune père, tenant sa fille de huit mois harnachée de vêtements chauds, dont seul le visage était visible orné en son milieu par deux billes rondes encore brillantes des lumières solaires, le coucher de soleil servant à l'éveil de ses sens, allez comprendre.
   Puis je reprenais le chemin de ma cellule, je ne puis l'appeler autrement, avec ses barreaux qui, pour virtuels qu'ils soient, n'en laissent pas moins de traces dans les esprits mais aussi sur les corps, allez comprendre. Cheminant sur les trottoirs à ce moment où la terre rend les premières chaleurs cumulées dans la journée, rendant l'air agréable, je rencontrais des personnes engoncées dans des vêtements hermétiquement fermés, dûment gantées et masquées, allez comprendre. Ce ne sont que les "vrais" confinés, ceux qui ne sortaient qu'en cas d'absolue nécessité, ils ont le regard inquiet dès qu'il perçoivent une forme en mouvement et approchant d'eux, là, au lieu de sympathie pour une rencontre humaine, ils changent de trottoirs en fixant comme de dangereux pestiférés les personnes croisées, allez comprendre. Ils ne répondent même plus à l'aimable salut de la personne qui s'écarte la première, plus de bonjour plus de merci, juste un regard effrayé, allez comprendre. Le déconfinement pourrait bien ressembler à une déconfiture à ce rythme là !!!
   Heureusement la lune apparut éclairant les rues du reflets du soleil, mais rendant tous ces visages émaciés encore plus pâles que lumineux, allez comprendre. Alors je concentrais mes regards sur cette planète qui toujours nous regarde en face, quelle que soit sa place, allez comprendre. Sa face, bien ronde pour l'heure, ressemblait au visage de la petite fille croisée tout à l'heure mais, en lieu et place de des deux billes rondes admirant le monde, je ne vis que deux fentes, comme si la lune avait mal aux yeux en regardant sa maman la terre, semblant déplorer cette vile façon que nous avons de l'embellir, allez comprendre.
   Voilà, les barreaux viennent de se refermer autour de moi, portant je ne me suis jamais senti aussi libre, allez comprendre.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire