jeudi 21 mai 2020

Miroir, ô mon miroir.

   La technologie est de plus en plus présente dans nos vies, quand bien même l'on voudrait s'y refuser, elle s'impose naturellement au fil du temps nous éloignant toujours plus des réalités. Il suffit d'un seul exemple, le téléphone portable, mais mérite-t-il encore cette dénomination? Il a commencé par s'imposer comme nécessité absolue, il fallait non seulement en posséder un mais, en plus, répondre au moindre appel toutes affaires cessantes, peu importe le répondeur intégré la question est toujours la même, pourquoi n'as-tu pas répondu à mon appel? Comme si la possession d'un tel appareil nous en rendait l'esclave.
   Puis les réseaux sociaux y ont été intégrés, permettant à tout un chacun d'y étaler sa vie qui, même misérable, en devenait incontournable pour ces amis qui n'en sont pas toujours, comment a-t-on pu laisser ainsi galvauder un terme qui exprime un lien aussi fort que la fraternité. Ensuite sont apparues des applications dont certaines devinrent très vite essentielles, voire vitales, transformant notre modeste téléphone en console de jeux, journaux en temps réel et centre de stockage pour nos mémoires défaillantes qui le deviennent de plus en plus puisque nous ne les faisons plus travailler, rendant l'outil absolument indispensable.
   L'apparition de l'appareil photo nous éloignait plus encore du téléphone, le mode autoportrait, ou selfie pour les anglophiles, permettant de s'immortaliser devant n'importe quel lieu, les visages déformés masquant le plus beau des lieux photographiés, mais c'est la preuve nécessaire pour que l'on prouve "qu'on y a été" !!!
   Durant toute ces évolutions notre téléphone, puisque c'est bien de lui qu'il s'agit, sert de moins en moins à se parler, les coups de fil deviennent de plus en plus rares, pourquoi s'appeler puisque tout est déjà dit sur les réseaux sociaux. La communication se fait par images, agrémentées de commentaires pétris de fautes d'orthographe, alors même qu'il y a un correcteur intégré.
   L'objet prend tout à coup une importance vitale, porte monnaie, carte bancaire, clef de contact, reléguant la téléphonie au second plan, il devient un membre supplémentaire du corps humain et il vaut mieux perdre une main que son téléphone, il nous en restera une pour le tenir. Il devient difficile d'avoir une conversation soutenue puisque le moindre bip peut, à tout moment, interrompre un échange.
   Il est cependant une utilité que les constructeurs de cette diabolique machine n'ont pas créée, à laquelle ils n'ont pas même songé, il est devenu un bouclier contre le monde extérieur, ce qui est un paradoxe pour un objet de communication. Là, sans sexisme aucun, ce sont surtout les femmes qui se servent de cette parade, il suffit d'observer leurs comportements dans la rue, dès qu'elles voient qu'elles vont devoir croiser un homme, hop l'objet, qui ne quitte plus leur main, devient un miroir où le regard est concentré afin de ne pas avoir à croiser le regard des autres. Il y en a même qui font semblant de recevoir un appel, cela s'entend bien avec un peu d'attention, tout ça pour se donner le sentiment d'être protégées par cet instrument de non communication.
   Dans cette période d'isolement contraint, où tout devait changer dès le jour d'après, il devient un masque aussi vain que son utilité réelle puisque, rappelons le  une dernière fois, ce n'est qu'un téléphone qui ne sert plus à téléphoner !!!

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