samedi 16 novembre 2013

Savoir vivre.

   Il y a quelques années, j'étais encore jeune et beau, j'ai rencontré une jeune fille de bonne famille. Elle est tombée amoureuse de moi, je n'étais pas certain de mes sentiments, mais je décidais de respecter ses sentiments, pensant qu'un jour, peut-être, je serai touché par la grâce.
   Me voici donc introduit (non, définitivement, non!!!) en ce milieu grand bourgeois qui confine tant au snobisme, sa mère étant un chantre de la bonne éducation. D'ailleurs, elle a très vite senti que, si j'étais courtois, il y avait de grandes lacunes dans mes façons d'agir, je fus donc mis sous haute surveillance!
   La première épreuve fut le repas auquel me convia ma charmante énamourée, c'était le souper, ce repas du soir que nous autres, gens du peuple, appelons dîner. Le ton fut donné dès la mise en place des convives, je me retrouvais entre la maîtresse de maison et une grande sœur de mon amie, elle, évidemment, était assise au point le plus éloigné de moi, j'aurais dû sentir le piège! Mais, ma bonne humeur, mon optimisme et ma naïveté naturelle ne me permirent pas d'appréhender les esprits retors de ces gens de la haute société.
   Je dois, tout d'abord, vous préciser que, m'étant subrepticement glissé aux toilettes, j'avais pris soin de m'enfoncer un manche à balai dans le fondement afin d'être sûr de me tenir si droit que j'eusse fait pâlir de jalousie le plus emmanché des majordomes! Ma tenue était donc parfaite, pour les autres détails, je me sentais prêt à toutes les improvisations.
   La première épreuve fut d'affronter le nombre absolument insensé de couverts, plutôt que me ridiculiser, j'optais pour une observation attentive des autres convives. Bien m'en pris car cela m'obligea à attendre que quelqu'un se décide, donc à ne pas entamer mon plat aussitôt celui-ci servi. Il faut savoir que dans ces milieux privilégiés, nul ne peut commencer à manger tant que tout le monde n'est pas servi, ce qui, en d'autres temps était de bon aloi, ne devrait plus avoir cours lorsque, comme ces gens, il n'y a plus assez de serviteurs pour que tout le monde dispose d'une assiette en même temps. Là, les premiers servis sont condamnés à manger tiède, voir froid, mais peu importe, il convient de savoir faire preuve de retenue.
   Ayant subi la première épreuve avec un grognement de satisfaction quelque peu frustrée de la part de ma marâtre, je me sentais plus libre de mes mouvements. Une fois dégusté le consommé de champignons des champs, car on ne mange pas de soupe chez ces gens là, arriva le poisson, plat le plus périlleux qui soit!Cela semble être le concours de celle ou celui qui en laissera le plus, interdiction absolue de même faire semblant d'approcher les doigts!
   Bon, je réussis, malgré une surveillance de tous les instants, à sauver les apparences. C'est à ce moment là que les événements se sont corsés, à la fin du repas, il m'a fallu accompagner les autres mâles de la confrérie au petit salon afin d'y boire le café en fumant un cigare et en conversant sereinement des milliers de francs que ces pompeux personnages manient comme nous le ferions des centimes!
   Les servantes ne sont jamais remerciées, sauf en cas de licenciement, bien sûr! Tout est dû pour ces viles personnes et je n'ai pas eu mon mot à dire, heuresement, d'ailleurs!
   Voilà, ma charmante compagne du moment fut très heureuse de m'apprendre, quelques jours plus tard que ses parents avaient été agréablement surpris de mon savoir-vivre, ce qui déclencha la rupture de nos relations.
   J'ai toujours préféré savoir vivre librement qu'exprimer un savoir-vivre aliénant!
  

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