dimanche 1 mai 2011

L'ombre du passé

Je suis un homme sans passé, ceux qui me connaissent le savent, je ne me retourne jamais. Un jour je suis là semblant être votre ami, le lendemain je disparais sans laisser de traces, sans donner la moindre nouvelle. De rares fois, je réapparais pour mieux disparaître à nouveau. Ainsi suis-je fait, je tourne le dos en même temps que la page. Jamais, au cours de ma vie, il n’en fut autrement, j’ai laissé un nombre incroyable de gens sur la route leur donnant, pour certains en tout cas, le sentiment d’abandon total. J’ai pourtant éclairé la vie de nombre d’entre eux, leur donnant mon amitié vraie le temps que durèrent nos rencontres et je suis sûr d’une chose, c’est que ces personnes là n’ont pas oublié l’importance que je leur ai accordée.
J’ai redonné confiance à ceux qui doutaient, j’ai donné de la force à ceux qui se croyaient faible puis j’ai fui de peur sans doute que l’on ne veuille me remercier. Je n’aime pas les mercis, je n’accepte que difficilement les signes d’amitiés vraies, j’exècre les félicitations et je refuse de savoir pourquoi, c’est sans doute pour cette raison que je suis toujours parti avant que les choses n'en arrivent là!
Ayant pratiqué l’introspection plus que le commun des mortels, je me crois dispensé de rencontrer un psychologue, mais je pense que j’ai surtout peur de ce que me dévoilerait une psychothérapie, monstre égoïste ou parangon d’humanité?
Une seule certitude se fait jour dans mon esprit, c’est qu’il me manque un morceau de ma vie, il y a un passage que je refuse de laisser apparaître, que mon cerveau occulte sans que je puisse en percer le secret, c’est ce trou qui m’effraie je crois. Est-ce une mauvaise action de ma part ou un mal qui m’aurait été fait? C’est la grande question et le fait d’en ignorer la raison m’empêche de trouver la réponse, ce doit pourtant être très important pour que seul mon subconscient puisse en garder la trace sans vouloir me livrer la clef qui, enfin, me libérerait laissant s’exprimer totalement le génie créatif qui me hante.
Alors, puisque je ne trouvais pas la solution, je me suis dit que j’allais créer mon passé en m’enracinant dans une vie normale, un couple d’abord puis une famille, un emploi stable et que je ne quitterai que l’heure de la retraite venue, des amis suffisamment intéressants pour ne pas les quitter d’ennui. J’avais mis tous les ingrédients en place, presque 20 ans avec la même femme, deux magnifiques enfants qu’elle nous fit pour poser un peu plus les valises, 14 ans dans la même profession, moi dont la plus longue durée dans une entreprise était de 18 mois!! Ça paraît solide comme base de passé, je me suis rangé comme l’on dit, assagi, calmé, arrêté, mais rien n’y faisait, je devenais de plus en plus aigri et colérique ne comprenant toujours pas ce qui m’arrivait, je sombrais dans une mélancolie ravageuse qui me rendait de plus en plus invivable, me poussant à repenser à cette histoire de psychologue! Mais quelle est donc cette ombre du passé qui m’empêche de bien vivre? Je rejetais alors la faute sur mon père et son éducation si rigide qu’elle en était parfois perverse, solution de facilité pour tout enfant qui ne veut pas se remettre en cause! Mais, même en me convaincant que cet homme était la source de tous mes maux, en le rejetant, en lui déniant le droit d’exister dans mon cœur, rien ne changeait dans mon comportement. Inextricable situation dont je ne voyais pas d‘autre issue que d’aller consulter, tout en n’ayant pas le courage de l’assumer!
C’est alors qu’il m’est arrivé une histoire incroyable, une femme que j’avais connue au collège et de qui j’étais tombé éperdument amoureux , tout comme elle d’ailleurs, mais qui avait, pour d’obscures raisons, décidé que nous ne pouvions nous aimer autant avait disparu de ma vie de façon soudaine et brutale. Il y avait bien une part de moi qui me disait que je la reverrai un jour mais cela semblait plus tenir du fantasme que de la réalité. J’en avais tout de même parlé aux deux femmes qui ont partagé ma vie mais je n’étais sûr de rien.
Et puis, ce 13 novembre 2010, je suis sur un site d’anciens élèves quand je vois son nom apparaître, quelle bouffée d’émotions m’assaille alors, je visite sa fiche de présentation mais, trop ému, ne peux me résoudre à lui laisser un message. Ce n’est que le lendemain soir que, consultant mes mails, je constate avec une joie incommensurable qu’Elle m’a écrit. Je me rue sur le message, il est très sage mais un peu orienté, elle est en concubinage et non mariée, comme moi, je lui réponds immédiatement ne pouvant plus contrôler les battements de mon cœur et les émotions violentes qui m’assaillent de toute part, un message aussi raisonnable que le sien mais que je conclu en lui disant que je ne la laisserai plus disparaître de ma vie!
Là, nous n’avons plus rien maîtrisé du flot de sentiments que nous n’avions pu exprimer avant, et nous avons pris conscience que quelque chose de très fort se préparait, il fallait que nous nous rencontrions afin d’être sûrs de ne pas être dans un sentimentalisme post adolescent.
Nous nous retrouvâmes sur le quai de la gare de Rennes le 7 décembre, dès le premier regard, nous avons retrouvé cette fusion, s’aimant comme jamais aucun des deux ne l’avait fait auparavant! Pas de doutes possibles, nous étions toujours aussi épris l’un de l’autre et les conversations qui entrecoupaient nos embrassades étaient déjà riches d’une entente incroyable, mêmes vies, mêmes destins croisés, nos routes étaient d’un parallélisme à faire peur à d’autres que nous deux. Le soir même, j’annonçais à ma compagne que je la quittais! Une semaine plus tard, j’annonçais à mon patron que je le quittais! Tant qu’à tourner la page, autant changer de livre! Je vous épargne les divers incidents de parcours qui ont logiquement fait suite à cet enchaînement ( déchaînement devrais-je dire!), galère financière, relative détresse humaine, heureusement compensée par la présence et le soutien d’Amis sincères.
Le temps a continué de se dérouler faisant enfler notre Amour réciproque jusqu’à la démesure pour de simples mortels, mais nous sommes devenus immortels Elle et moi, notre Amour nous emmenant tutoyer les sommets. Elle a du chemin à faire avant que nous ne puissions cueillir les fruits de cet immense Amour, mais il s’est passé une chose incroyable dans le cours de notre histoire, Elle ne cessait de réclamer un temps mort à ma dévorante passion, d’apporter un peu de sérénité à mon bouillant tempérament, en un mot de me calmer, moi, me calmer?
C’est là qu’est intervenu le vrai miracle qui a et va éclairer ma vie jusqu’à la fin de mes jours, je le sais maintenant avec certitude. J’ai découvert la raison de cette terrible colère qui ne cessait de m’empoisonner la vie, c’était de n’avoir pas su empêcher Elle de me quitter, de n’avoir rien fait pour la retrouver, de l’avoir perdue. Tout à coup, tout m’a paru clair dans mon esprit, ce n’était donc qu’un gigantesque chagrin d’amour que cette colère!! Me voici débarrassé de cet encombrant sentiment, je n’éprouve plus qu’une calme sérénité, je ne m’énerve plus et c’est si exaltant que je me retrouve enfin, j’ose regarder dans le rétroviseur de ma vie et je n’ai pas honte de ce que j’y vois. Mes enfants sont grands et semblent assez bien partis pour faire de leur vie ce qu’ils voudront en faire, ce calme retrouvé me permettra de les aider vraiment dans leurs hésitations et j’ai enfin l’audace de leur dire combien je les aime!
Quand à Elle, ma sérénité retrouvée me permettra de l’attendre avec la patience nécessaire, de la laisser tracer sa route seule avec juste l’aide que je saurai lui apporter quand elle en aura besoin. Et notre histoire se mettra en place toute seule, avec une telle fluidité que personne n’aura à en souffrir car un Amour aussi pur souffrirait de colères déplacées et qu’y a-t-il de plus déplacé que la colère?

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